Aurélie Pérez – 05 avril 2016
La première fois que je rencontre Caroline, c’est lors d’un déjeuner d’affaires. Je suis tout de suite enthousiasmée par cette ancienne militaire pleine d’énergie ! Elle me parle alors de son projet en cours « d’accouchement » Mil’ Sport Mag, l’unique magazine au monde sur le sport militaire.
Elle mène ce projet de front avec son mari et, à eux deux, ils forment le Duo Dujardin, lui s’occupe de la partie journalistique, Caroline gère la communication et le marketing.
A 42 ans, cette femme a eu un parcours extraordinaire ! L’interview est si riche que j’ai dû sélectionner ce que j’allais vous rapporter.
Aurélie : « Merci Caroline pour avoir accepté de témoigner sur ton parcours et ta vision du travail. Quelle est ta formation ?
Caroline : Après 4 mois de classe à l’École de Maistrance (école des officiers mariniers, Brest), j’ai suivi la formation de l’école des photographes de la Marine Nationale (nommée école des métiers de l’image aujourd’hui) mais la meilleure école reste le terrain !
A: Oh ça sent le vécu ! As-tu senti une grande différence entre théorie et pratique ?
C: Oh que oui ! Sur le terrain, tu n’as pas le même matériel que celui utilisé en cours et tu dois apprendre à te débrouiller. A l’école en tournage, nous sommes 4 minimum. Sur le terrain, tu as beau chercher, tu es….1 ! (rires) A l’école, on ne t’apprend pas non plus à gérer les émotions que vont susciter tes missions.
A: Justement, que peux-tu nous dire de ces missions ?
C: J’étais déployée en mer selon l’actualité : pollution maritime, naufrage, recherche de corps, évacuation de ressortissants, lutte anti-terrorisme, déminage, trafic, etc. C’est qu’il s’en passe des choses en mer ! Quelle que soit la mission, le sens du devoir prime. Des familles sont touchées, des enquêtes sont en cours, ton pays a besoin de tes yeux pour témoigner et rapporter ce qui se passe sur zone, et même archiver. Peu importe tes propres soucis, tu te dois de remplir ta mission et donner le meilleur de toi-même.
A: Sur quels moyens de transport as-tu voyagé ?
C: J’ai tout fait ! (rires) sauf l’avion de chasse.
A: Et quel est ton souvenir le plus marquant ?
C: Il y en a tant, c’est impossible de choisir. Le premier qui me vient là tout de suite, c’est de faire une séance de sport sur le porte-avions Charles de Gaulle, plage arrière, juste sous le pont d’envol avec un rafale qui apponte juste au-dessus de ma tête !
A: Que représente la Marine pour toi ?
C: C’est ma famille ! J’y ai rencontré Denis aussi (son mari) et puis je suis fascinée par les Marins alors que j’ai peur de la mer. Disons qu’elle m’impressionne. Elle peut être douce et d’huile comme en furie et tout avaler. D’ailleurs, c’est très étrange d’aller sur une zone de naufrage quand tout est redevenu calme. Ça forge. Vraiment.
Il y a des Marins dans ma famille, cette eau salée doit couler dans nos veines.
Je suis également fascinée par les blessés de guerre, ils sont si incroyables, des forces de la Nature, des « Invictus » !
A: Alors question pas originale je sais mais, est-ce dur d’être une femme militaire ?
C: Oui surtout à l’époque où je me suis engagée. C’était l’époque des appelés et j’étais la seule femme au milieu de 40 gars (25 appelés). Il faut aussi gérer la distance avec la famille, les enfants…je me rappelle la décision du Pacha (Commandant) du bâtiment sur lequel j’étais en mission opérationnelle au large du camp de la FINUL (Liban) en 2006 qui m’a forcée à être rapatriée en France car il ne voulait pas d’une femme-mère de famille sur son bateau ! Je l’ai supplié de me laisser faire ma mission, que je pouvais assurer. Dans mon sang coule la volonté de ma grand-mère d’avoir quitté Saint Pierre et Miquelon à 21 ans pour rejoindre De Gaulle à Londres en 1942…alors question détermination…je suis équipée. Difficile à digérer pour moi car le devoir est primordial et ma famille le sait. Ce sont des situations délicates à gérer émotionnellement. Avec mes enfants, notre lien était la lune, elle est unique et c’est la même pour tout le monde. Je leur disais de la regarder pour me voir. Je faisais de même en mer.
A: Justement, comment faisais-tu pour gérer tout cela ?
C: Rien, je retenais tout, je me faisais violence. Tant est si bien que j’ai vécu une paralysie de 60 jours sans savoir si j’allais marcher à nouveau. Depuis que j’ai remis un pied au sol…poussez-vous ! Chaque jour compte et je mesure mon bonheur d’être debout. Heureusement, depuis quelques années, j’ai appris à gérer mes émotions et ce fut une vraie découverte. Quel cheminement effectué quand on y pense !
A: Après 18 ans dans la Marine, tu deviens chef d’entreprise (Duo Dujardin) et lance le magazine Mil’Sport Mag avec ton mari Denis, peux-tu nous parler de cette aventure ?
C: Déjà ce projet n’est possible à deux que parce que c’est Denis. Notre duo fonctionne à merveille et son idée de couvrir le sport militaire m’a embarquée ! L’essence du magazine c’est de mettre en valeur l’Humain. Ces femmes et ces hommes ont des histoires incroyables et j’admire leur force et leur capacité de résilience. Ils nous font vibrer et ils nous donnent envie de les mettre en valeur aux yeux de tous (sourire lumineux). Ils m’inspirent et m’aident à me lever tous les matins (c’est une image ;-)).
A: Je précise aux lecteurs que Denis et toi m’avez conviée à vous rejoindre le temps d’une rubrique sur le stress chez les sportifs dans votre numéro 2 qui paraît en avril 2016 et pour moi, il ne s’agit pas d’un simple magazine. Je serai aussi des vôtres lors des Invictus Games à Orlando. Peux-tu nous en dire plus ?
C: On m’a dit plusieurs fois que le mot magazine ne convenait pas. Je cite « Il est trop beau! » Nous avons choisi un format carré et une belle qualité de papier. Une amie dans la Marine m’a dit que c’était le genre d’écrit à garder dans une bibliothèque. Nous faisons tout pour et nous évoluerons encore et toujours.
Les Invictus Games se déroulent du 7 au 12 mai 2016 dans le parc Disney à Orlando et ils réunissent les sportifs militaires blessés de guerre pour une compétition internationale. Le Prince Harry (organisateur) et Michèle Obama seront des nôtres également ! Un beau moment de partage et d’émotions en perspective qui fera l’objet d’un dossier central dans le numéro 3 de Mil’Sport Mag.
A: Quelle belle aventure ! As-tu d’autres projets en tête ?
C: Évidemment. Le jour où je n’en ai plus, c’est que j’aurai terminé cette vie. Je vous en reparlerai à tous quand le moment sera venu mais je peux vous donner un indice…j’adore écrire !
A: Suspense ! Nous te recontacterons alors pour faire le point sur ton nouveau projet . Merci Caroline pour ta passion, c’est un bel exemple de bonheur au travail !
C: Merci et à bientôt ! Et prends soin de toi durant cette belle aventure #HAW!»
Caroline Dujardin- Duo Dujardin – 74 rue des blancs mouchons – 59500 Douai
caroline@duodujardin.com
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